Après un petit temps de pause, retournons enfin au musée d'Orsay, pour terminer - continuer, du moins - notre visite, c'est là la moindre des choses ! Je vous avais honteusement laissés devant l'angoissante Vague de Carlos Schwabe. Quelques pas à peine, pourtant et l'ambiance changeait du tout au tout ! En effet, la salle suivante nous présente le crime, tel qu'imaginé dans les années 1880, tel qu'on le représentait, alors, dans la presse à sensations. Sur un mur, les origines : nombre de feuillets contant les horreurs du quotidien - ce sont les occasionnels, ce sont les canards, imprimés pour l'occasion, afin d'informer le peuple, souvent distribués par des crieurs publics. Avec le temps, le dessin gagne en spectaculaire, et on se plaît, de plus en plus, à détailler les circonstances du crime : il faut informer, bien sûr, mais il faut surtout étonner ... Mais ces petites feuilles, rapidement imprimées, sont à partir de 1850 détrônées par l'essor de la presse populaire (par exemple, Le Petit Journal, et son supplément illustré). Ce qui est drôle, c'est de voir là, placardée, notre fascination pour le fait divers, pour la violence du quotidien. Les crimes annoncés sont toujours plus horribles, toujours plus épouvantables les uns que les autres, et l'illustration de couverture - en couleur, de plus en plus souvent - se plaît à représenter l'instant fatidique, dans une mise en scène toujours très théâtrale - tout est bon pour piquer la curiosité du lecteur et lui donner quelques frissons. Paradoxalement (et le reproche était alors récurrent), sous couvert d'information, cette presse d'un nouveau type donnait au crime une plus grande médiatisation -et l'on peut penser que l'évocation du châtiment, les commentaires moralisateurs servaient davantage à donner bonne conscience à un lecteur avide de scandale qu'à l'édifier. A côté de la presse à scandale, des dessins d'artistes, notamment les illustrations de Félicien Rops pour Les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly et des gravures de Max Klinger (citons par exemple Flagrant Délit) montre que la réalité rejoint parfois la fiction ...

Et suivant le verdict, nous entrons en prison. Une porte de cellule est là, et on peut lire sur elle les marques qu'y ont laissé les prisonniers. C'est surtout cela, au fond, que je retiens de cette salle, malgré la force et la douleur des dessins de Goya, soulignant l'inhumanité des supplices infligés aux condamnés, malgré les plans de prison suivant le projet de Panoptique de Bentham, malgré les photographies et gravures représentant cellules, couloirs de garde, etc. Au fond, ce qui reste, c'est cette porte, sertie de chiffres, de dates, de lamentations. Point d'art ici : juste un vestige, un simple vestige du réel, et cela fait quelque chose ...
Si le crime est grave, cependant ? Après la prison, nous voilà au pied de l'échafaud. Tableaux, gravures et dessins viennent représenter la peine de mort, et ses divers instruments : guillotine, potence, pilori, et jusqu'à la fameuse Chaise Electrique d'Andy Warhol. Par l'image, l'artiste interroge la mise à mort de l'accusé, la remet en cause, il peut tenter également de représenter le drame et l'angoisse du condamné, ou l'absurdité de la machine judiciaire. De cette étape, je garde une forte impression du tableau d'Emile Friant qui sert à illustrer ce court paragraphe : La Peine Capitale. En effet, dans ce tableau, très photographique, le spectateur se trouve au coeur de l'action ; suivant la diagonale formée par le regard du condamné, sur la droite, on aperçoit la silhouette menaçant de la guillotine, prête, et entre elle et lui - entre elle et nous -, seul lecrucifix brandi par le prêtre ... Un vague retour aux alentours, et l'on discerne, partout, la foule, jusque sur le haut des toits. Ou le drame de la mort érigé en spectacle.
... A suivre !
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