vendredi 26 mars 2010

Du côté de chez Swann I

J'ai lu Du côté de chez Swann, premier tome de La Recherche il y a presque un an, maintenant. A l'occasion, j'avais publié quelques pensées diverses sur l'ancien blog. Avant de revenir, plus généralement - plus personnellement aussi - sur cette dernière lecture qui s'est étalée sur des mois, je me suis dit que je pouvais transférer ces deux articles, en guise d'ouverture.

Voilà donc ce que je disais, il y a dix mois, de ce premier livre ... : 

"Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir."




Proust faisait partie de ces quelques monstres sacrés que je n'osais encore approcher. Une première tentative de lecture, il y a quelques années, puis le silence. J'ai voulu retenter l'expérience cet été, en ce début de vacances, et j'ai ouvert Du côté de chez Swann, premier tome de La Recherche du temps perdu.


~*~

Publié une première fois en 1913,
Du côté de chez Swann a un léger goût d'inachevé. Proust avait dû tronquer son roman pour des exigences éditoriales, et une bonne part de ce qui devait constituer Swann se retrouve finalement dans le tome suivant de la Recherche (A l’ombre des jeunes filles en fleurs). Ce premier volume, qui traite notamment des premiers phénomènes de mémoire involontaire et de la résurgence du souvenir, s'est souvent vu reprocher son apparente désorganisation. On sent cependant qu'on nous mène quelque part : ces longues évocations, ces suites de souvenirs n'ont pas été écrites au fil de la plume. Il y a bien une structure, une construction, que l'on ne repère pas précisément, mais que l'on devine. Il y a un plaisir à se laisser mener, les yeux entrouverts, par la prose de l’auteur. Quand bien même l’on ne saurait exactement où. D’une métaphore à l’autre, d’un souvenir à l’autre, Proust nous convie à une lecture particulière. Exigeante, peut-être, mais surtout très enrichissante.

Du côté de chez Swann
est divisé en trois parties, relativement inégales : dans Combray s'élève la voix d'un narrateur insomniaque qui, à partir d’une rêverie sur les chambres qu'il a occupées, revoit, dans le flou du souvenir, la propriété de Combray où, enfant, il passait parfois l'été. Ce ne sont pourtant que des impressions confuses, et c’est suite au célèbre épisode de la madeleine que Combray pourra ressusciter à la mémoire, une première fois. La deuxième partie se passe à une époque antérieure aux évènements de Combray et conte l'amour de Swann, voisin de la famille du narrateur, pour Odette de Crécy. Sorte de roman dans le roman, ce récit nous montre le caractère subjectif de la passion du personnage, l'élaboration d'un sentiment, tout extérieur à la personne qui semble en être l'objet. Enfin, la dernière partie s'ouvre sur une nouvelle rêverie du narrateur, qui jongle poétiquement avec les sonorités des noms de ville, avant de livrer les premiers pas de son amour pour Gilberte Swann.

Parler de Proust me semble relever de la gageüre. Si j’ai parfois pensé faire des notes en plusieurs parties, histoire d’organiser un peu mes impressions, j’y ai jusqu’ici renoncé. Ce ne sera pas le cas pour
Du côté de chez Swann. De ce roman, il y a beaucoup de choses à dire, et je me suis rendue compte qu’en essayant de trop concentrer, je risquais de rendre les choses trop abstraites, et de livrer une note plus qu’indigeste. Je parlerai un peu plus tard des différents thèmes développés dans ce roman, des différents aspects qui ont pu retenir mon attention. Je commencerai par le plus simple, et aussi le plus personnel : mon ressenti. Je pense que vous pourrez tous deviner que j’ai aimé ce roman. Si ça n’avait pas été le cas, prendre le temps de faire un article en plusieurs morceaux, d’organiser ma pensée, de faire quelques lectures critiques aurait relevé du masochisme. Si ça n’avait pas été le cas, je n’aurais pas laissé en plan les autres lectures pour m’y consacrer entièrement - lectures que je compte reprendre bientôt. Il faut dire que Du côté de chez Swann a quelque chose de très particulier et de très fort. Une lecture dont on ne sort pas indemne, riche d’un point de vue littéraire, poétique et philosophique à la fois. Ce n’est certes pas une lecture facile : il faut s’adapter au style (par ailleurs remarquable) et, surtout, savoir prendre son temps. J’ai découvert ce livre par petites tranches, et la lecture avait parfois quelque chose d’étourdissant. C’est un effort que je ne regrette vraiment pas : c’est à un voyage, personnel, initiatique, que nous convie Proust. Je vous laisse pour l’heure sur quelques mots de l’auteur, avec un extrait du tome qui clôt La recherche du temps perdu : Le temps retrouvé.

« Mais pour en revenir à moi-même, je pensais plus modestement à mon livre, et ce serait même inexact que de dire en pensant à ceux qui le liraient, à mes lecteurs. Car ils ne seraient pas, selon moi, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d’eux-mêmes, mon livre n’étant qu’une sorte de ces verres grossissants comme ceux que tendait à un acheteur l’opticien de Combray ; mon livre, grâce auquel je leur fournirais le moyen de lire en eux-mêmes. De sorte que je ne leur demanderais pas de me louer ou de me dénigrer, mais seulement de me dire si c’est bien cela, si les mots qu’ils lisent en eux-mêmes sont bien ceux que j’ai écrits (les divergences possibles à cet égard ne devant pas, du reste, provenir toujours de ce que je me serais trompé, mais quelquefois de ce que les yeux du lecteur ne seraient pas de ceux à qui mon livre conviendrait pour bien lire en soi-même. ) »

...


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Image :
grendblund on Deviantart

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