jeudi 17 décembre 2009

T'as pas toujours été aussi fatalitaire !

Les répliques cultes, les grands noms, l'apposition du mot classique en lettres dorés au-dessus du titre du film, c'est  parfois un peu à double tranchant. Qui n'a jamais entendu quelqu'un lui réciter, l'air fier, dans un accent douteux, le célèbre Atmosphère d'Arletty ? Pour moi, pour beaucoup d'autres sans doute, ces films-là, c'était du poussiéreux, du vieilli, du suranné. Pourtant, je suis tombée par hasard, il y a pas si longtemps, sur un film de Marcel Carné, grand classique devant l'éternel : Les Enfants du Paradis. Et je suis tombée sous le charme. Alors j'ai continué, j'ai regardé d'autres films, avec les mêmes acteurs, le même réalisateur, butinant selon ma fantaisie et les possibilités. Et vlà qu'je tombe sur Hôtel du Nord dans les rayons, que j'emmène dans un coup de folie.


En parcourant quelques courts documentaires sur le réalisateur, j'ai entendu une expression qui me semblait correspondre exactement à ce film : celle de réalisme poétique. Dans Hôtel du Nord, rien des grandes histoires et des épopées collectives : on se trouve au carrefour de plusieurs vies, des petites vies de petites gens, d'âmes de passage, qui s'égarent un instant près du canal St-Martin. Petits drames personnels, joies faciles, beaucoup de douleurs, gommées par le destin qui suit son cours. Le film est porté par deux couples : le premier ouvre et clos le film, en arrivant et en quittant les abords de l'Hôtel. Ce sont de jeunes premiers tout ce qu'il y a de plus ordinaires, le souhait de mourir en plus, parce que sinon, il faudrait recommencer à vivre, quelle corvée ... Et puis il y a ce couple haut en couleurs, le mariage entre le regard glacé de Louis Jouvet, qui rêve de changer d'air, et la voix d'Arletty teintée de l'accent des boulevards. Une Garance encore plus haute en couleur, et qui semble déjà nous dire  : Je ne suis pas belle, je suis vivante, c'est tout.

On rit beaucoup, des mots qui s'échangent, et des jeux sur la langue - ou quand l'argot des faubourgs se met à jongler avec la poésie. Et pour nous exposer ces tristesses quotidiennes, ces petits bonheurs de rien, Marcel Carné nous livre un film tout en échos, construit comme un poème, encadré par l'arrivé et le départ de nos suicidaires amoureux, et leurs échecs respectifs - tentatives d'abandon. La fin m'a fait penser, un peu, à celle des Enfants du Paradis. Ce même décalage, entre le drame intérieur, et une foule en fête, le même effacement, parmi les anonymes -  Baptiste disparaît parmi les Pierrots en liesse, et le coup de feu qui assassine Robert se perd dans les bruits de pétards, en plein quatorze Juillet. Personnage fascinant, que ce Robert, qui fut Paulo, qui fut Edmond - un homme qui a changé d'identité, et s'est un peu perdu lui-même, pendant des années. Il fallait sortir du quotidien, courir après une promesse, pour retrouver la première identité, l'homme tout neuf, celui qui a pas beaucoup servi mais comme le rendez-vous manqué avec la mort par les deux amoureux, Robert reviendra chercher celle qu'il aime, au lieu de larguer les amarres vers d'autres atmosphères.

C'est drôle, au final, parce que ce que j'avais toujours vu comme un film poussiéreux, m'a semblé une oeuvre particulièrement vivante, où ça parle beaucoup, où ça bouge sans cesse. Il y a quelque chose d'immensément triste, dans ce film, quand on y pense, et sur le coup, on ne cesse de sourire ... Et en passant, on effleure ces thèmes éternels de l'identité, de l'amour impossible - ou pas - , de la culpabilité et des trahisons humaines. Il y avait quelque chose de rafraîchissant, à plonger dans ce film - que j'ai d'ailleurs revu quelques jours après l'avoir découvert. Conclusion facile : idéal pour changer d'atmosphère - Eh oui, nous aussi.



lundi 14 décembre 2009

Les métamorphoses du silence.

Nous désirons passionnément qu’il y ait une autre vie où nous serions pareils à ce que nous sommes ici-bas. Mais nous ne réfléchissons pas que, même sans attendre cette autre vie, dans celle-ci, au bout de quelques années, nous sommes infidèles à ce que nous avons été, à ce que nous voulions rester immortellement. Même sans supposer que la mort nous modifiât plus que ces changements qui se produisent au cours de la vie, si, dans cette autre vie, nous rencontrions le moi que nous avons été, nous nous détournerions de nous comme de ces personnes avec qui on a été lié mais qu’on n’a pas vues depuis longtemps — par exemple les amis de Saint-Loup qu’il me plaisait tant chaque soir de retrouver au Faisan Doré et dont la conversation ne serait plus maintenant pour moi qu’importunité et que gêne. A cet égard, parce que je préférais ne pas aller y retrouver ce qui m’y avait plu, une promenade dans Doncières aurait pu me paraître préfigurer l’arrivée au paradis. On rêve beaucoup du paradis, ou plutôt de nombreux paradis successifs, mais ce sont tous, bien avant qu’on ne meure, des paradis perdus, et où l’on se sentirait perdu.

Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe.

lundi 7 décembre 2009

Des fleurs de bonne volonté

Il n'était sans doute pas temps, mais voilà qu'après quelques mois, j'ai ouvert un champ nouveau, une petite place, où semer ses idées - un jardinet, pour mes fleurs de bonne volonté.
J'ai voulu un endroit plus ouvert, où je puisse parler librement de mes intérêts du jour - littérature, mais aussi cinéma, art, écriture, et sans doute de futilités passagères. Quand l'envie m'en prend. J'ai aussi eu envie d'ouvrir un espace pour des critiques plus légères, plus courtes peut-être, et personnelles, encore plus.
Enfin, je ressentais le besoin de me détacher des propos anciens, qui commençaient à me peser un peu. Alors j'ouvre un nouveau jardin, pour mes fantaisies, et je m'offre le luxe d'un nouveau nom, riche de sens et d'images, comme pour fonder mes divagations.

~ * ~

Fréneuse, c'est le papillon qui réapprend à voler, c'est l'énergie créatrice, c'est le beau parler dans tout ce qu'il a de trop clinquant. Fréneuse, c'est le vagabond, qui erre, de fatrasies en verbigérations, et qui papillonne à son gré, pour son bon plaisir. Fréneuse, c'est enfin - et surtout - le personnage de Monsieur de Phocas, roman fin-de-siècle qui parmi tant d'autres marque cette rupture entre les âges, ce clivage entre les temps. Continuités et ruptures, pour ce blog qui ose s'orner d'un autre nom d'emprunt : Les Fleurs de bonne volonté ont été, quant à elles, cueillies chez Laforgue.

Bien à vous.